Le regard tourné vers le Vendée Globe

2 juillet 2024

Après son arrivée aux Sables d’Olonne le jeudi 13 juin, Yannick Bestaven revient sur sa New-York – Vendée, une transatlantique d’Est en Ouest qui lui aura donné du fil à retordre. Cette course éprouvante pour le skipper comme pour l’IMOCA Maître CoQ V a révélé la résilience et l’humilité de Yannick Bestaven. Le temps est à présent au bilan des deux transatlantiques qu’il a effectuées pour en tirer les meilleurs enseignements en vue du Vendée Globe dont le départ sera donné le dimanche 10 novembre prochain.  

14 jours, 22 heures, 8 minutes et 2 secondes après avoir pris le départ à 180 km des côtes de New-York, Yannick Bestaven franchissait la ligne d’arrivée de la New-York – Vendée, devant les Sables d’Olonne. Une fin de transatlantique qui sonnait comme un soulagement pour le skipper rochelais qui n’a rien lâché pour ramener dans le meilleur état possible son IMOCA Maître CoQ V à bon port. Une course très éprouvante tant sur le plan physique que psychologique. Marquée par une succession d’avaries, la New-York Vendée de Yannick n’a pas été un long fleuve tranquille. 

Une course compliquée dont Yannick Bestaven en tire les premières conclusions “L’avantage d’avoir vécu une course avec de nombreuses avaries diverses et variées qui se sont enchainées, cela redonne beaucoup d’humilité. J’ai identifié de nombreux points d’amélioration afin d’éviter certaines de ces avaries. C’était riche en expérience, car ce n’est pas forcément des points que j’aurais abordés dans la préparation du Vendée Globe.

Retour sur les avaries qui se sont enchainées: 

Deux jours après le départ, il y avait des trombes qui tombaient du ciel, des sortes de mini tornades. Je suis passé de 0 à 40 nœuds en un instant, le vent a tourné à 180°… J’avais toutes mes voiles en place, le code 0 (la plus grande voile d’avant) et la Grand Voile hissée.. Le bateau a empanné violemment et s’est couché sur le flanc opposé sur l’eau, ce qui a entraîné la casse de 3 lattes de la Grand Voile. J’ai dû monter dans le mât par 25 nœuds de vent pour retirer ces lattes, qui pour certaines font plus de 6 mètres. C’était très impressionnant, et honnêtement je ne conseille à personne de faire ça… cela a été une situation très délicate à gérer. Quelques jours après, c’est mon étai de J2, qui tient le mât à l’avant, qui a lâché. Je n’ai pas eu d’autre choix que d’attacher le mât sur un autre étai, me contraignant dans le choix limité de l’utilisation de mes voiles. Après avoir passé les Açores c’est mon amure (point d’accroche qui lie l’étai au bateau) de FRO qui a cédé, rendant ainsi la tenue du mât encore très incertaine, j’ai dû basculer sur le troisième étai qui restait disponible.
C’est vraiment dommage car j’ai pris un bon départ de course, j’ai croisé devant Boris Hermann et Nicolas Lunven pour aller à la première bouée de dégagement, j’étais dans les bons coups… et puis après tout s’est enchaîné et ça a été l’escalade de problèmes techniques. 

Les avaries rencontrées ont contraint Yannick a adapter sa performance et sa stratégie:

J’ai eu un gros déficit de potentiel de vitesse car je n’avais plus les voiles adaptées aux conditions de vent, et je devais aussi faire attention au mât. Il n’y a que le dernier jour où j’ai pu reprendre un peu de vitesse car j’étais au portant et remonter ainsi quelques places au classement. 
Je suis content d’avoir pu faire ce que j’ai fait avec un bateau abîmé, qui n’était pas à 100% de ses capacités, mais sur le plan sportif et compétitif forcément je suis déçu.
Sur une transat dans ce sens, d’Est en Ouest, les éléments météorologiques se déplacent avec nous, donc quand on a un problème technique, que l’on va moins vite, ou que l’on doit s’arrêter, on ne rattrape jamais les éléments, on est toujours en retard. C’est très compliqué dans ce sens-là de revenir. Donc psychologiquement c’était dur car à chaque problème que je rencontrais je savais que ça serait difficile pour revenir dans le match. Je ne pouvais naviguer qu’à 70% du potentiel du bateau et ne pouvais pas jouer de coup stratégique. Mais ça m’a permis de me mettre en condition pour un tour du monde, et réfléchir aux solutions que je pouvais mettre en place en cas d’avarie majeure. Cela m’a aussi apporté de nouvelles idées dans le cadre de la préparation du Vendée Globe pour éviter ce genre de problème

Sur le plan psychologique, pas simple:

Ça n’a vraiment pas été simple, je suis allé chercher des ressources au plus profond de moi. Mais j’ai aussi surtout pensé aux copains skippers à qui il est arrivé le même genre de situation sur la Transat CIC, comme Paul Meilhat qui avait cassé un foil et qui est allé jusqu’au bout, Nicolas Lunven qui avait cassé son bout dehors… Je ne suis pas le seul à qui ça a pu arriver, que ce soit à l’aller ou au retour, je me suis dit qu’il fallait que je m’accroche coûte que coûte, même si je n’étais plus là pour aller chercher une place, je voulais ramener mon bateau dans le meilleur état possible aux Sables. Hélas cela m’est arrivé à moi mais cela arrive à d’autres également. C’est sûr que ce ne sont pas des situations marrantes à vivre, moralement en solitaire, avec la fatigue… 

Dernière course avant le départ du Vendée Globe, quel est le programme des prochaines semaines ? 

Dans les semaines à venir nous allons naviguer un peu à La Rochelle sur des journées relations partenaires, puis le bateau entrera en chantier autour du 12 juillet, pour en ressortir vers le 20 août. Je basculerai alors en mode prépa Vendée Globe avec entraînements en mer… Tout va s’enchaîner très vite en septembre / octobre.
Pour les jours à venir je vais me reposer un peu et surtout faire le bilan de ces deux transats avec mon équipe. Certes il y a eu du moins bien au retour, mais il y a eu aussi pas mal de bonnes choses à l’aller. Ma 6e place sur la Transat CIC me rassure, j’ai pu être aux avant-postes quasi tout au long de la course. Naviguer en course est de toute façon la meilleure manière de s’entraîner. Le bateau commence à être bien optimisé et c’est très bon signe pour le Vendée Globe. Ça me rassure également de voir la belle 4e place de Sébastien Simon qui navigue sur le sistership de Maître CoQ V. Toutes ces choses sont positives dans l’ensemble, si on se prépare bien il n’y a pas de raison que ça ne le fasse pas.