Les montagnes russes de l’indien
10 décembre 2024
Les mers du sud déçoivent rarement. Attendues par tous les marins pour les émotions qu’elles génèrent mais aussi redoutées pour tous les dangers qu’elles transportent, ces mers poussent les navigateurs et leur bateau parfois au-delà de leurs limites. Engagés dans l’océan Indien depuis plusieurs jours, Maître CoQ V et Yannick Bestaven en sont les témoins « privilégiés ». Après une première grosse dépression en fin de semaine dernière, puis un léger retour à un calme relatif, ils affrontent à nouveau des conditions extrêmes avec des rafales pouvant aller jusqu’à 50 nœuds. « Le vent n’arrête pas de changer, c’est compliqué de trouver le bon réglage, explique le skipper. C’est dur aussi de dormir et quand on y parvient ce n’est jamais du très bon sommeil. Cela devrait encore durer jusqu’à mardi dans la nuit avec une succession de difficultés. »
De la fatigue pour Yannick mais aussi quelques problèmes techniques à régler sur Maître CoQ V. Heureusement sans trop de conséquences.
« Samedi, un point d’amure de gennaker a cassé et la voile de devant s’est retrouvée derrière le mât en battant furieusement. Heureusement, je m’étais entraîné à ce type de situation et j’ai réussi à récupérer la voile, sans qu’il n’y ait trop de dégâts. Je peux à nouveau m’en servir avec un deuxième point d’amure. Quand les conditions seront un peu plus calmes, je pourrai réparer celle qui est cassée. Mais cela m’a quand même obligé à ralentir carrément une petite heure, le temps de tout remettre en sécurité. »
Lors de la première grosse dépression rencontrée, Yannick avait déjà dû faire preuve de sang froid et réagir en urgence. « Cela a été un peu rock’n’roll, confirme le skipper. Au début du front, ça allait vite avec une mer plutôt rangée. Il y a eu pas mal de manœuvres, des pointes à 35 nœuds et même pas loin des 40, des changements de voile. C’était un peu usant. J’avais décidé de dormir un peu avant le lever du jour. Pendant que je dormais paisiblement, le front m’est passé dessus. Le bateau s’est couché. Je me suis retrouvé à l’envers, avec de l’eau dans le cockpit jusqu’aux chevilles, le mât dans l’eau, bref tout ce qu’on aime ! Il faut garder son sang-froid. Ce n’est pas les réveils les plus sympas. Il a fallu remettre le bateau à l’endroit en faisant attention de ne rien casser. C’était un bon avertissement. Heureusement que je n’étais que sous J3. J’ai bien fait attention, j’ai fait attention, j’ai bien bordé la grand-voile et ça s’est plutôt bien passé. Une fois le front passé, il a fait grand beau. Mais il a fallu faire avancer le bateau dans des conditions difficiles. C’était les montagnes russes. La mer était défoncée pourtant elle n’était pas très grosse avec des vagues de 3,50 mais dans tous les sens. Il fallait bien réguler la vitesse du bateau pour ne pas planter. Ça montait, ça descendait, ça accélérait, ça décélérait. Ça a duré toute la journée. Amateurs de sensations fortes, l’IMOCA dans les mers du sud, dans l’océan Indien, au portant, avec 35 nœuds, c’est l’idéal. C’est la foire du Trône en direct ! »
Le grand manège n’en est encore qu’à ses débuts. Maître CoQ V et Yannick devraient atteindre le Cap Leeuwin dans la nuit de mercredi à jeudi. Débutera alors la longue traversée de l’océan Pacifique.
Tout reste encore jouable
Neuvième des 38 bateaux encore en course, Yannick se satisfait de son classement actuel, alors que la mi-course n’a pas encore été franchie. Vainqueur il y a quatre ans, il a pleinement conscience que beaucoup d’événements peuvent encore se produire. « Je suis satisfait de ma position et de pouvoir me maintenir dans ce groupe depuis plusieurs jours. Avec la première dépression, notre groupe a dû passer par le nord et rallonger la route. C’était quand même une grosse prune australe. C’était plus safe car avant de parler de victoire ou de podium, il faut terminer la course. Il ne s’agit pas de casser le bateau dès le début des mers du sud. Ceux de devant sont passés dans un trou de souris. Je n’avais pas d’autre choix que de passer par le nord. Il faut aussi voir que la concurrence est de très haut niveau avec des très bons marins sur des très bons bateaux. Si les deux premiers se sont un peu échappés, l’écart par rapport au cinquième est encore assez faible(moins de 150 milles de retard sur Jérémie Beyou, cinquième). Nous n’en sommes pas encore à la moitié de la course. Les hommes mais aussi les bateaux souffrent et commencent à fatiguer. Le Vendée Globe est une course d’usure. Les systèmes météo peuvent aussi rebattre les cartes très vite. Tout est encore jouable bien évidemment et c’est ce qui rend ce Vendée Globe passionnant. »