Yannick Bestaven : « Un départ plein gaz »

6 novembre 2020

J-2 avant le départ de la neuvième édition du Vendée Globe, dimanche à 13h02. Confiné aux Sables d’Olonne depuis lundi (il l’était auparavant à La Rochelle), Yannick Bestaven est entré dans le vif du sujet de la stratégie météo, qu’il prépare quotidiennement avec un spécialiste reconnu, Christian Dumard. Le skipper de Maître CoQ IV, qui confie alterner entre « anxiété et excitation »à 48 heures de s’élancer sur sa deuxième course autour du monde en solitaire (après 2008), évoque les conditions du départ.

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Avec qui travailles-tu la météo avant le départ du Vendée Globe ?
Avec Christian Dumard, que j’ai rencontré il y a deux ans grâce à Bilou (Roland Jourdain, avec lequel il a couru la Transat Jacques Vabre l’an dernier). Nous avons collaboré une première fois sur la Bermudes 1000 Race (mai 2019), ça s’était super bien passé, j’apprécie son expérience, sa simplicité. En amont du Vendée Globe, nous avons beaucoup travaillé sur l’ensemble du parcours via un roadbook précis qui permet de décrypter chaque phase du tour du monde et depuis mardi, on parle de la stratégie des premiers jours, de la meilleure manière de « dégolfer »(sortir du Golfe de Gascogne), des moments auxquels il faudra que je fasse des changements de voiles. Ces différents routages vont aussi me permettre de confirmer le choix des voiles que j’embarque (huit au total), nous devons tous les déclarer aujourd’hui. J’ai aussi travaillé avec des jeunes ingénieurs de la société D-Ice, ils ont mis en place un petit logiciel qui permet de faire des études de routes statistiques, ça apporte une autre façon d’appréhender le routage météo, un peu comme les « pilot charts » de l’époque (cartes marines proposant des routes en fonction des conditions météo moyennes).


A quoi vont ressembler les premières heures et premiers jours de course ?
On va partir plein gaz avec du vent de sud plutôt maniable, en bâbord amure à 90 degrés du vent, ce qui est plutôt cool. Le premier objectif sera de faire une route directe vers l’ouest pour aller chercher des fronts de dépressions situées au large. Pour la suite, c’est plus difficile de savoir ce qu’il va se passer, parce que tous les fichiers ne sont pas d’accord : est-ce qu’on continuera vers le large ou est-ce qu’on obliquera vers le sud pour longer l’Espagne et le Portugal ? Aujourd’hui, je ne peux pas le dire. Globalement, on va donc avoir un peu de tout, de la vitesse au début au reaching (vent de travers), du près pour passer le premier front, des transitions à gérer, ça ne me déplaît pas.


D’une façon générale, es-tu du genre à attaquer sur une ligne de départ ?
Ça dépend, il n’y a pas de règle, ça m’est arrivé de prendre des bons départs, comme des mauvais, comme sur la dernière Vendée Arctique-Les Sables d’Olonne. Ce qui est certain, c’est que je ne vais pas trop m’enflammer, on part pour deux mois et demi de mer, ça ne sert à rien. Il faudra juste éviter de ne pas couper la ligne avant le départ pour ne pas écoper de cinq heures de pénalité. En tout cas, un départ à 33 bateaux, ça va être sympa !


A 48 heures de ce départ, es-tu déjà rentré dans ta bulle de marin ou as-tu encore des préoccupations terriennes ?
Ça fait maintenant un petit moment que je ne pense plus qu’à ça. J’ai physiquement encore les pieds sur terre, mais je suis entièrement focalisé sur le départ dimanche, et je t’avoue que j’ai surtout hâte d’être lundi, car les jours de départ, même à huis clos, ne sont pas les plus faciles à gérer émotionnellement.


Quels sont justement les sentiments qui t’animent au moment de t’élancer sur ce Vendée Globe ?
Il y a un peu de tout. Tu pars quand même pour un long moment en mer, ce n’est pas anodin de larguer les amarres en se disant qu’on ne rentrera pas avant mi-janvier. Personnellement, je n’ai jamais passé plus de 25 jours en mer, je crois que ma plus longue course a été la Transat BPE (22 jours et demi en 2007). Donc il y a forcément du stress qui monte gentiment, c’est un mélange d’anxiété et d’excitation.


Christophe Guyony : « Yannick est très serein »
Présent aux Sables d’Olonne le plus souvent possible pour vivre les derniers jours de préparation au plus près de l’équipe, tout en continuant à diriger l’entreprise, le directeur général de Maître CoQ, Christophe Guyony, converse régulièrement au téléphone avec Yannick Bestaven : « Autant je le sentais très inquiet il y a un an avant le départ de la Transat Jacques Vabre, autant là, je le trouve très serein. Yannick a beaucoup navigué en deux ans, le bateau Maître CoQ est très fiable et il a pu s’appuyer sur une équipe très expérimentée, c’est pour ça qu’il est dans cet état d’esprit. Et le fait qu’il n’y ait pas toute la pression médiatique et populaire que les marins ont l’habitude de vivre avant le départ d’une grande course l’aide sans doute à entrer plus vite dans sa bulle. »

A deux jours du départ, tous les salariés de Maître CoQ sont eux aussi dans les starting-blocks pour suivre le Rochelais autour du monde : « Nous avons installé des écrans dans les salles de repos pour donner toutes les informations sur la progression de Yannick, que nous aurons parfois en direct en visio. Nous avons aussi lancé un Vendée Globe virtuel interne à l’entreprise, via Virtual Regatta : plus d’une centaine d’équipes de trois-quatre joueurs sont inscrites et vont régater en même temps que Yannick sous les couleurs de Maître CoQ ».