#VG20 – Jour 18- Sainte-Hélène, quarantièmes et Maradona…
26 novembre 2020
Après deux semaines et demie de course, Yannick Bestaven occupe ce jeudi la 6e place du Vendée Globe alors qu’il en termine avec un contournement de l’anticyclone de Sainte-Hélène particulièrement fastidieux cette année. Joint dans la matinée, le skipper de Maître CoQ IV confie son bonheur d’être en mer, lui qui garde cependant une oreille attentive sur ce qui se passe dans le monde.
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Arrives-tu à trouver la porte de sortie de l’anticyclone de Sainte-Hélène ?
Ce n’est pas simple, je ne sais pas si c’est une situation habituelle, puisque je n’ai jamais été jusque-là, mais on galère tous un peu pour en sortir. Avec les bateaux qui sont à côté de moi, on avait bien vu le contournement par l’ouest que sont en train d’effectuer Sam Davies (Initiatives-Cœur) et Louis Burton (Bureau Vallée 2), mais on ne voulait pas trop y aller, parce que ça rallongeait beaucoup trop la route au départ. On a donc essayé de trouver un petit chemin buissonnier entre les deux. J’ai vu ce matin que Jean Le Cam (Yes We Cam) remettait de son côté une couche à l’est ; je ne sais pas trop quoi penser. J’ai bien peur quand même qu’on se fasse passer par Sam et Louis par dessous.
As-tu beaucoup manœuvré ces derniers jours ?
Oui, dans la « pétole » (très peu de vent), on a beaucoup manœuvré, ça n’a pas été simple, ce n’est pas très marrant de resté collé comme ça aussi longtemps. Moi, j’ai eu la chance d’être avec Boris (Herrmann – SeaEplorer- Yacht Club de Monaco), donc c’était cool, on a pu pas mal échanger sur nos réglages du bateau, sur nos options, mais il y a eu quelques longueurs quand même.
Tu le vois encore ?
Oui, il est à 4 milles à mon vent. PRB (Kevin Escoffier) n’est pas très loin non plus ; il est à 20 milles devant moi dans mon axe.
Au niveau des températures, est-ce que ça commence à ressembler au Grand Sud ou fait-il encore chaud?
J’ai remis une petite laine depuis hier soir, un bas lycra et un petit haut, mais ça va encore : dans le bateau, il fait 20°, la température de l’air est à 22°, celle de l’eau à 17°5.
Quand penses-tu pouvoir enfin toucher les vents d’ouest et reprendre de la vitesse vers le Cap de Bonne-Espérance ?
Demain, je pense, j’espère qu’on va enfin redécoller, parce que là, ça fait un moment que ça dure l’histoire…
Comment te prépares-tu à affronter les quarantièmes rugissants et ressens-tu un peu d’appréhension ?J’ai eu le temps de faire le tour du bateau dans la molle les jours précédents. Tout va bien. Je ne vais pas aller me balader dans le mât parce que je n’en ai pas trop envie et que ça ne me paraît pas nécessaire. Après, oui, il y a forcément de l’appréhension de savoir comment ça va se passer au niveau des vents, des rafales, de la mer, on va découvrir tout ça. La première dépression, on devrait la prendre d’ici 48 heures dans la nuit du 27 au 28. On va passer au nord d’une dépression où il y a 23 nœuds avec des rafales à 35-40 nœuds, donc a priori, ça reste maniable.
Vous risquez d’être sept bateaux assez proches au moment d’attaquer cette partie du parcours, est-ce important pour rester en mode compétition ?
Oui, bien sûr. C’est important pour continuer le match, ça motive tous les jours, on a l’impression d’être dans une régate. Ça fait aussi du bien dans la tête, parce qu’on se sent moins seul. Et c’est un bon groupe avec des bateaux qui, pour la plupart, ont un potentiel supérieur au mien avec des marins aguerris, donc pour moi, c’est extrêmement bien d’être là avec eux.
Es-tu justement surpris de rivaliser avec ces bateaux dotés de foils plus grands ?
Je pensais que je pouvais les tenir, mais d’un peu plus loin. J’avais vu sur la Vendée-Arctique-Les Sables d’Olonne que Sam (Davies) était devant moi, mais sans que les écarts soient énormes. Mais c’est clair que naviguer avec elle, Boris et Kevin, qui ont des bateaux qui ont été « refités » avec des grands foils, c’est positif, parce que normalement, ils sont plus à l’aise. Après, dans la dépression, quand ça va débrider un peu, ils devraient aller un peu plus vite. Mais on verra, parce que ça dépendra aussi d’où chacun mettra le curseur dans sa façon d’attaquer.
Tu vas atteindre dimanche la fin de la troisième semaine de course, la solitude commence-t-elle à te peser ?
Non, franchement, je me sens bien en mer. Je suis un homme d’action, donc j’aime bien être occupé, ce qui a été majoritairement le cas depuis le départ, à part hier où c’était un peu monotone, donc le moral était un peu moins bon. Mais c’est comme à terre, il y a des jours où on a plus le moral que d’autres. Globalement, la solitude ne me pèse pas, je n’ai pas l’impression que ça fera trois semaines dimanche qu’on sera partis, donc c’est cool.
As-tu le temps de savoir ce qui se passe dans le monde ?
Oui, je sais que le « dieu » Maradona est mort hier, je pense que l’Argentine, Naples et tous les clubs où il est passé sont en berne. Je n’ai jamais été trop football, je suis plus impressionné par Jean Le Cam que par Zinédine Zidane, mais Maradona, c’est quand même un personnage à part. J’ai aussi appris que Christophe Dominici était mort, je suis plus fan de rugby, donc ça m’a surpris et touché, parce que c’était un joueur hyper talentueux qui a apporté beaucoup au rugby français, il dégageait une belle image, avait l’air généreux, c’est jeune de partir à 48 ans. Sinon, il paraît qu’Emmanuel Macron a parlé et qu’il va vous déconfiner petit à petit, en vous laissant 20 kilomètres de promenade et qu’apparemment, il y aura un vaccin en janvier pour le Covid. En tout cas, c’est sûr qu’à notre retour, après ce que l’on vit là, ça va être compliqué de nous enfermer chez nous ! Donc oui, j’ai quelques nouvelles de la terre et ça fait du bien.