2021

#VG20 – Jour 60 – « Il va falloir être dessus »

7 janvier 2021

Cinq jours après avoir franchi le Cap Horn et au bout de deux mois de mer, Yannick Bestaven est toujours le solide leader du Vendée Globe. Son avance sur ses poursuivants s’est même accrue ces dernières heures grâce à une bonne gestion d’un anticyclone qui se dressait sur sa route. Une satisfaction pour le skipper de Maître CoQ qui s’attend cependant à être ralenti dans les jours qui viennent le long du Brésil.

 


Peux-tu nous décrire les conditions dans lesquelles tu navigues ce jeudi matin ?
Le temps est couvert, c’est un peu gris, je suis à nouveau dans une petite dépression que je traverse à 90 degrés du vent, donc ça va assez vite. Il y a un peu de mer, mais ça va, ce sont des conditions plutôt propices pour faire de la vitesse, j’essaie de « tartiner » avant de probablement m’arrêter dans les prochains jours.

Revenons sur ton premier passage de Cap Horn samedi dernier, vu le cri que tu as poussé, on a eu l’impression que c’était vraiment le cap de la délivrance ?
Oui, c’était une délivrance énorme, mais ce n’est pas au Cap Horn que ça l’était vraiment, c’était plus après, une fois que les conditions se sont un peu calmées, parce que c’est sans doute le plus gros coup de vent que j’aie essuyé en bateau de ma vie. Je n’avais jamais eu autant de vent et des vagues aussi grosses, j’ai dû avoir des rafales régulières à 60 nœuds, voire un peu plus, et 8-10 mètres de vagues qui déferlaient. C’était assez dantesque. J’avais pris le parti de ne pas trop réduire car sinon, le pilote n’arrivait pas à barrer, je suis resté à trois ris dans la grand-voile et J3 (petite voile d’avant) pour garder de la vitesse. Le problème, c’était qu’en haut des vagues tu étais à 10 nœuds et que dans les surfs, tu partais à 33 nœuds avec des beaux plantés à l’arrivée, mais au moins, j’allais à peu près droit… C’était impressionnant et beau à la fois, et même si je n’ai pas vu le Cap Horn, j’étais content de le passer parce que je savais que dans quelques heures, ça allait se terminer et que j’allais retrouver des conditions normales. Et c’était quand même un rêve de marin pour moi de franchir ce fameux Cap Horn, même s’il y a forcément un peu de déception de ne pas l’avoir vu, mais je sais que je l’ai passé, c’est marqué dans les livres maintenant !

La transition a-t-elle été rapide derrière ?
La dépression m’a accompagnée encore 4-5 heures après la longitude du Cap Horn, je voulais plutôt aller le long de la ZEA (zone d’exclusion Atlantique) car j’avais en tête de rester assez est en vue de l’anticyclone que j’ai passé hier. Le vent a alors tourné à l’Ouest, ce qui m’a fait faire une trajectoire un peu plus Nord que prévu, je me suis retrouvé dans le dévent du Cap Horn, qui porte très loin, jusqu’à 200-300 milles. La première nuit dans ce dévent, je t’avoue que je n’ai pas cherché à empanner, car j’étais comme un boxeur un peu sonné, j’avais été bien rincé par cette dépression, il faut un peu de temps pour reprendre ses esprits, tu ne passes tout d’un coup de trois ris-J3 à grand-voile haute et gennaker. Finalement, en fin de nuit, je me suis dit que si je voulais aller à l’Est, il fallait que je sorte de là, donc j’ai empanné, mais je suis resté sous voilure réduite, car j’avais pas mal de choses à réviser à bord avant de relancer de la toile devant. J’ai donc perdu un peu de temps, mais ça m’a permis de checker le bateau, de remettre tout en ordre, et je pense que j’ai perdu un peu moins de temps que Charlie (Dalin, Apivia) qui avait lui aussi des réparations à faire. Depuis, j’ai repris cette stratégie que je m’étais fixée de rester bien à l’Est.

 

Cette stratégie s’est–elle déroulée comme tu le pensais ?
Oui, l’objectif était d’arriver dans le bon timing pour négocier du mieux possible l’anticyclone qui se présentait sur la route. Je ne voulais pas me faire bloquer, donc il fallait remettre du charbon, je n’ai pas cherché à lofer, j’étais vraiment concentré sur la vitesse, et finalement, j’ai réussi à bien contourner cet anticyclone et à reprendre de l’avance sur mes poursuivants, donc c’est plutôt pas mal. Maintenant, je sais que je vais en reperdre un peu dans les prochains jours, avec des petites zones dépressionnaires devant moi qui vont casser le vent. Il y a une sacrée barrière devant, sans trop de vent, et là, ce n’est pas une histoire de la contourner ou quoi que ce soit, il faut la traverser, en espérant que ce ne soit pas zéro nœud. S’il y a un peu d’air pour avancer, je m’en sortirai, s’il n’y en a pas du tout, ce sera un nouveau passage à niveau et j’attendrai les autres.

 

Quand est prévue la traversée de cette zone sans vent ?
Pendant le week-end, ça va être assez mou.  On a quand même eu une météo particulière depuis le début de ce Vendée Globe, tout est fait pour qu’on avance lentement ! Ce n’est quasiment jamais de la route toute droite, on fait beaucoup de route et souvent à petite vitesse.

Il va donc falloir être bien éveillé pour ces nouveaux jours cruciaux, te sens-tu en forme ?
Oui, dès que ça va vite comme la nuit qui vient de passer, j’essaie de bien me reposer, de me faire de bons quarts de sommeil, parce que dans l’anticyclone, comme celui qu’on vient de traverser, il y a du travail. J’ai fait pas mal d’empannages sous spi, et un empannage sur un IMOCA, c’est synonyme de pas mal de gouttes de sueur versées ! Donc oui, il va falloir être dessus pour exploiter le moindre souffle de vent.